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Moment Factory : Grandir sans se vendre (trop vite)

Moment Factory : Grandir sans se vendre (trop vite)

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Comment une PME créative québécoise est devenue un géant mondial en restant maîtresse de son destin


Introduction — Lumières sur une success story québécoise

Le paysage québécois regorge de PME talentueuses : certaines sont vendues à la première occasion, d’autres grandissent en conservant leur ADN. Moment Factory appartient à cette seconde catégorie. Initiée en 2001 à Montréal, cette entreprise multimédia a créé des expériences sensorielles pour des millions de spectateurs — que ce soit dans un stade, dans un lieu patrimonial ou dans un aéroport international — sans jamais céder pleinement son contrôle.

Qu’est-ce qui fait que certains studios créatifs s’embourbent dans des rachats précipités, tandis que d’autres, comme Moment Factory, réussissent à conjuguer croissance fulgurante et indépendance ? Cet article raconte leur histoire, anecdotique mais stratégique, pour en tirer des enseignements utiles aux entrepreneurs québécois en quête de croissance ou de relève.


I. Des débuts modestes, vision haute

1. L’étincelle dans un garage montréalais

À la fin des années 1990, Montréal connaissait une effervescence culturelle entre raves, projections analogiques, installations éphémères. C’est dans cette zone d’expérimentation que Dominic Audet, passionné de technologie, et Sakchin (Saky) Bessette, artiste visuel, rêvaient de fusionner art et technologie. À peine débutée, leur collaboration prenait forme dans un local modeste : une table, des écrans, des câbles et l’envie de créer de l’émotion visuelle. Quelques mois plus tard, Jason Rodi les rejoignait, apportant une sensibilité filmique et narrative.

Le trio lance officiellement Moment Factory en 2001, avec une mission ambitieuse : transformer des lieux ordinaires en espaces d’expérience collective. Dès leurs premiers projets — projections sur des bâtiments, mappings dans des festivals — le concept fait mouche. Les moyens étaient rares, mais l’ingéniosité abondait.

2. Le premier virage avec le Cirque du Soleil

Leur véritable percée survient en 2002 lorsque le Cirque du Soleil leur confie la scénographie vidéo d’un de ses spectacles. Ce mandat devient un catalyseur : il légitime le studio, attire l’attention médiatique et l’intérêt d’autres artistes de renom.

Une anecdote qui circule souvent raconte que Dominic et Saky ont dû réaliser des tests avec un budget bricolé à même leurs revenus les plus modestes. Mais quand les spectateurs ont vu les projections « prendre vie » autour d’eux, le mot a circulé : ce studio était différent. Ce premier « coup d’éclat » a propulsé Moment Factory hors des cercles underground et dans le radar du monde artistique international.


II. Écouter le monde — et répondre par l’impact

1. Madonna et la visibilité planétaire

En 2012, l’équipe décroche un mandat colossal : concevoir les visuels de la tournée mondiale MDNA de Madonna, notamment le spectacle du Super Bowl. Ce moment devient un instant fondateur. Des millions de spectateurs, des chaînes internationales, une scène globale — tout bascule.

Le studio devient une référence pour les tournées artistiques à gros budget et les spectacles d’envergure. Le style distinctif de Moment Factory — narratif, immersif, hyperréactif — devient sa signature recherchée.

2. Collaboration avec les géants de la culture et de la tech

S’ensuivent des commandes prestigieuses : du concert de Nine Inch Nails à la scénographie pour Arcade Fire, jusqu’aux projets pour Microsoft, Disney ou FIFA. Chaque collaboration ajoute à la légitimité du studio et à sa palette d’expertises — du mapping sur facades patrimoniales aux environnements urbains connectés.

3. Patrimoine lumineux — entre tradition et technologie

La série des “campfires digitaux” s’intensifie. Parmi les projets les plus marquants :

  1. Foresta Lumina (2014), un parcours nocturne à Coaticook, mêlant conte, son et lumière dans une gorge — un succès touristique immédiat (70 000 visiteurs la première année, un million cumulé avant 2025).

  2. Connexions vivantes (2017), où le pont Jacques-Cartier devient une sculpture numérique, ses lumières vivant au rythme des données urbaines.

  3. AURA (2019-2020), métamorphose immersive dans la basilique Notre-Dame de Montréal, entre couleurs mouvantes, musique et architecture patrimoniale.

Ces projets démontrent que Moment Factory ne se contente pas d’éblouir : elle inscrit l’émotion dans le paysage urbain, culturel et touristique.


III. Independent, not isolated — expansion intelligente

1. Bureaux globaux, siège à Montréal

Moment Factory s’implante à Paris, Tokyo, New York, Singapour, mais garde fièrement son siège social à Montréal. Cette stratégie est doublement simbolique : préserver la culture créative fondatrice, tout en accédant à des marchés internationaux.

Chaque bureau sert à la fois de relais client et de base créative locale, mais leurs projets sont systématiquement orchestrés avec Montréal, garantissant une cohérence artistique.

2. Gouvernance et structure renforcée (2007)

Alors que l’entreprise grandit, un tournant s’impose : en 2007, Jason Rodi quitte, et Éric Fournier, ancien producteur au Cirque du Soleil, rejoint comme associé. Il apporte rigueur, stratégie, gouvernance contractuelle, sans effacer la direction créative des fondateurs.

Le studio formalise alors un pacte d’actionnaires, installe des comités stratégiques, et prépare les bases d’une croissance stable — sans rachat total.


IV. Croître sans se vendre prématurément

1. La tentation des capitaux rapides

Des fonds d’investissement et des géants du divertissement approchent fréquemment Moment Factory, offrant des injections massives de capital. Pourtant, le studio décline ou négocie uniquement des partenariats minoritaires. La raison ? Préserver la culture interne, la liberté créative et le pouvoir de décision.

2. Autofinancement et ressources locales

En parallèle, Moment Factory exploite les crédits d’impôt québécois, notamment ceux liés aux titres multimédias, pour financer ses projets sans devoir diluer son capital. Cette stratégie fiscale — alliée au réinvestissement systématique des profits — devient le pilier d’une croissance durable.

3. Produits IP et formats réutilisables

Le studio développe des produits standardisés comme Lumina, des formats scénographiques packagés qu’on exporte, qu’on licence. Ces actifs — mélange de propriété intellectuelle, marque et savoir-faire — permettent une croissance réplicable sans compromettre l’identité du studio.


V. Anecdotes savoureuses et leçons pour les entrepreneurs

  1. “Du garage à l’arène mondiale.” Le contraste est saisissant, mais les racines urbaines restent visibles dans chaque projet — rigueur, innovation radicale, esprit collectif.

  2. “Saky infiltré dans une cathédrale.” Lors de tests pour AURA à Notre-Dame, les curés pensaient qu’il s’agissait d’un ange (« il a été surpris de ses propres lumières »). Cet ancrage local, quasi mystique, montre la puissance émotionnelle de l’approche.

  3. “Se défendre à coups de poésie.” Quand des clients demandent de rendre un show plus commercial, l’équipe répond par des métaphores visuelles plutôt que par des compromis. La créativité devient une arme stratégique.

  4. Préparer la relève avant la relève. Une partie des cadres dispose d’options d’achat d’actions ou d’un plan de succession informel : ainsi, si un fondateur part, l’ADN est préservé.


VI. Une boussole pour les PME québécoises

Moment Factory n’est pas un cas isolé : elle trace une voie — lente, réfléchie — pour toute PME culturelle ou technologique du Québec :

  1. Patience contrôlée : ne pas céder à la pression de vendre (fonds, rachat) tant qu’une vision claire n’est pas établie.

  2. Monter en valeur, pas en dette : investir dans l’IP, la marque, les formats réplicables.

  3. Préserver la culture : l’acquéreur ne doit pas effacer ce qu’on a construit.

  4. Prévoir la relève : former, impliquer l’équipe, installer des mécanismes de transfert de contrôle internes.


Conclusion — Briller sans se brûler

Moment Factory représente un modèle de croissance créative et indépendante. Elle montre qu’on peut conquérir le monde sans abandonner la gestion de son essence, tant qu’on choisit ses batailles, protège son ADN et structure sa croissance.

Si tu envisages de vendre, racheter, transférer ou faire croître ta PME au Québec, garde cette histoire en mémoire : on peut grandir en gardant le contrôle, si on le fait à son rythme.


Appel à l’action

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